La guerre des universités

Le gouvernement français envisage de regrouper ses universités et grandes écoles en huit super-universités. L’objectif est de créer une super-visibilité avec une optique internationale. Ce regroupement, façon tactique militaire, est-il vraiment adapté à l’enseignement supérieur français ? Généralement, lorsqu’on décide de miser sur ce type de tactique, c’est quand la perte en effectifs humains a atteint un seuil critique et qu’il faut envisager une solution de repli. Une fois regroupés, on se sent plus forts, peut-être à tort, mais c’est généralement la seule option restante, à part celle de se faire massacrer. Le tout est d’être suffisamment organisés.

Rivalités internationales

On aurait pu croire que l’enseignement supérieur d’un pays ne concernait que le pays lui-même, mais dorénavant, il faut compter sur les autres pour connaître son propre niveau en matière d’éducation, mondialisation oblige. La rivalité ressort de ce qu’on appelle le Shanghaï-choc, suite au classement mondial annuel de 1200 universités effectué par l’université Jiao Tong de Shanghaï. Bien que très controversé, ce classement (le premier a été commis en 2003) ne nous positionne pas parmi le peloton de tête (Harvard était en première position du palmarès 2011). Pour jouer la sécurité (et pour une question d’égo sans doute aussi), les étudiants étant susceptibles de tenir compte de ce classement, il a été décidé de constituer des pôles de recherche et d’enseignement supérieur regroupant les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français en 2006. Il y en a plus d’une vingtaine existant en 2012. Le pire est qu’il n’y a pas que ce classement, il en existe bien d’autres qui ne sont pas tendres non plus avec nos universités françaises. Paradoxalement, le classement des Mines ParisTech fait ressortir HEC en 6ème position, avec, pour unique critère de sélection, le nombre d’anciens étudiants figurant parmi les dirigeants exécutifs des 500 plus grandes entreprises mondiales. Pourquoi pas.  Ailleurs, on ne fait pas partie des 20 premières positions.

Chaos interne

Qui a tort ? Qui a raison ? Je ne suis pas persuadé qu’il soit intéressant de tenter de s’interroger sur la pertinence des classements internationaux et de leurs critères, le chantier serait trop vaste, car trop subjectif. D’autant qu’il y a plus important : la France a de toute façon un énorme besoin de revoir son éducation nationale. Je constate néanmoins que la guerre est déclarée. Mais peut-on rivaliser avec les autres universités ? On peut se poser la question quand on voit que la Cour des comptes relève déjà des écarts entre les premiers mauvais résultats (enseignement, recherche) et l’augmentation des dépenses publiques de ces pôles, et pas uniquement. Concrètement, l’objectif était de créer une cohérence entre les différents dispositifs, mais ce n’est finalement pas le cas. Depuis peu, le grand emprunt doit permettre de poursuivre ces initiatives, ce qui renforce leur enjeu économique. Dans un contexte aussi chaotique, on peut craindre le pire à propos d’un investissement assez conséquent (plusieurs milliards d’euros), si les universités françaises n’arrivent pas à s’entendre entre elles. De plus, je ne remets pas en question l’intérêt de cette volonté, mais plutôt sa cause initiale qui marque principalement un manque d’anticipation sur des besoins en matière d’éducation. Et puis, une question demeure : n’y a-t-il pas là un risque d’être moins pragmatique en se préoccupant de l’avis d’autrui ? Enfin, grossir mécaniquement l’effectif de ces nouveaux regroupements peut donner l’impression de pouvoir plus aisément acquérir une meilleure position lors des prochains classements, mais, en réalité, cela revient à travailler plus sur la forme que sur le fond. Le détail qui tue : les universités les mieux positionnées ont généralement un effectif très bas, ce n’est donc même pas une question d’effectif.

Quelques leçons à tirer

Trois grandes leçons à tirer de ce type d’initiative :
  • Ecouter les autres avec un minimum de recul : il faut savoir écouter autrui, surtout en cas de redondances sur les remarques exprimées, cela peut vous permettre de prendre conscience de vos défauts et donc de prendre le temps de les analyser pour les corriger, sans aller dans l’extrême, ce qui revient à ne pas écouter bêtement ce qu’on peut dire de vous.
  • Ne pas faire les choses pour de mauvaises raisons : je n’ai rien contre les classements, mais tout est question de critères, si certains peuvent être pertinents, d’autres peuvent ne pas l’être, surtout dans un cadre multi-culturel où chaque pays aura une vision très personnelle de l’éducation, ce qui peut être difficile à juger. Il est donc délicat de se baser uniquement sur ce type de retours quand il s’agit de prendre des décisions sur son propre avenir. Là encore, un recul sera nécessaire pour ne pas s’orienter vers des choix inadaptés.
  • Ne pas sous-estimer sa propre organisation : ce n’est pas le tout de se projeter, notamment sur des projets ambitieux, si vous n’êtes pas capables de vous mettre d’accord avec vous-même ou des associés autour de l’organisation d’un projet (faire ses études ou créer une entreprise, même combat), vous partez déjà avec un défaut de conception. Il faut donc d’abord anticiper votre organisation avant de vous lancer.
Je vous laisse réfléchir aux autres leçons.
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